CASSE PIPE : une biographie
Débuts d'aventures
" Casse Pipe " naquit de la rencontre de Louis-Pierre Guinard en rupture de " Bal perdu " et de Philippe Onfray mais il eut fallu bon nombre de contacts impromptus pour que ces deux là sapprivoisent. Ils avaient déjà fait des disques et vivaient du côté dErquy (Côtes dArmor). A lépoque (été 88), Philippe sillonnait les routes bretonnes pour le compte d'Europe 2 et Louis-Pierre exerçait ses talents de crêpier au " Sunset ", un bar concert dErquy. De temps à autre, ce dernier tombait le tablier pour venir se réchauffer publiquement les cordes vocales sur des airs de " Bal perdu ". Un soir dété 89, " la chanson de Craonne ", une valse écrite par des soldats mutins en 1917, vint frapper le cortex du grand bonhomme au passé free punk intrigant présent dans lassistance. Le texte résolument antimilitariste devait rapprocher les deux hommes et donner le ton de leur future collaboration musicale quils baptisèrent " Casse-Pipe " du nom du roman de Louis-Ferdinand Céline racontant ses premiers jours dincorporation pendant la première guerre mondiale. " Casse-Pipe, ça veut dire crever de rage ! " Louis-Pierre (Pollen France Inter).
Philippe qui avait délaissé laccordéon depuis fort longtemps rechaussa ainsi linstrument de son enfance et les deux compères débutèrent un travail sur la base du répertoire de " Bal perdu " notamment empreint des chansons noires des années trente et de linépuisable album " Fonds de tiroirs " de Modiano et De Courson.. Gainsbourg, Ferré, Rimbaud et quelques morceaux traditionnels bretons étaient également à lhonneur. Fait de quêtes damours impossibles, dhistoires sordides et de chansons toxiques, lunivers de Casse-Pipe se construisit peu à peu. " Jaime cette citation de Prévert : la nouveauté, cest vieux comme le monde. " (Louis-Pierre).
Profitant de leurs temps libres, Louis-Pierre et Philippe mirent bientôt au point une huitaine de morceaux et se décidèrent à affronter le public dès février 90 du côté de St-Brieuc en préambule du concert de " Sue & les Salamandres ", leur premier parrain. La prestation de " Casse-Pipe " ne laissa pas indifférents les feuilles et les mirettes de Daniel Riot, le gérant du lieu qui devint plus tard le régisseur général de la troupe.
Mais en attendant, le duo fit de nouvelles apparitions scéniques réussies drainant avec eux le soutien de quelques fidèles dont un ami photographe qui les incitait à monter un véritable spectacle. Lidée fit tranquillement son chemin bien que les deux hommes aient derrière eux une approche théâtrale de la musique. Louis-Pierre était spécialiste de lambiance chicos pervers genre cabaret berlinois héritée du temps de " Bal perdu " et Philippe collaborait de temps à autres avec la troupe du " théâtre du Ha-Ha " de Lamballe (22) animée par Denis Flageul.
" On se hâte doucement " déclarait Louis-Pierre (Pollen) mais à force de travail et dencouragements, " Casse-Pipe " présenta le spectacle " Sur les traces de Johnny Palmer " début mars 91 à Quessoy (22) dans larrière-salle du bistrot-cabaret du village aménagée pour loccasion en théâtre. Composé dune vingtaine de chansons, le spectacle subtilement teinté dun côté anar à décoiffer les bigoudens tint toutes ses promesses. Le soir de la dernière, au moment de jouer " la Javanaise "de Gainsbourg, lultime rappel du duo, le courant sauta et vint interrompre le final du spectacle. Quelques instants plus tard, dans la salle du bar, une nouvelle venait de tomber : lhomme à la tête de choux sétait éteint Le spectacle " Sur les traces de Johnny Palmer " aussi.
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Allégés des décors hormis le rideau rouge de fond de scène, le duo continua à sillonner les routes bretonnes au volant dune 2CV allant jusquà interpeller le public rock rennais avec la reprise en français version " Casse-Pipe " de " Anarchy in the UK " des Sex Pistols. Judicieusement choisi, le morceau avait pour don de forcer lécoute de jeunes spectateurs peu enclins à tendre loreille au son de laccordéon. Délaissant ponctuellement le tour de chant du moment, le duo participa à un spectacle, " Hommes de feu et chants de braise ", proposé par la MJC de Lamballe (22) pour le centenaire de la mort de Rimbaud. Travaillé dans lurgence, les chansons de " Casse-Pipe " étaient alors entrecoupées de petits quatrains du poète maudit. En 91 toujours, Louis-Pierre et Philippe tentèrent dassouvir davantage leurs attirances littéraires en débutant un travail sur " le condamné à mort " de Jean Genet. Non abouti, le projet ne fut que partie remise. Néanmoins, la lecture du " journal dun voleur " inspira à Louis-Pierre le premier jet de " Stilitano ", futur classique de " Casse-Pipe ".
Lhistoire de Johnny Palmer avait bien bourlingué dans la région et la présence de Daniel Riot auprès du duo était loin dy être étrangère. Début 92, ce dernier profita dune prestation des porte-drapeaux de " la chanson des gueux " pour convier son frère Gil Riot, éminent membre de la bouillonnante scène rock rennaise des années 80 ( P.38, les Conquérants, tournées avec Marc Seberg et Dominic Sonic ) . Le courant passa et la rencontre déboucha vers de nouveaux horizons. " Casse-Pipe " venait de trouver là un guitariste-compositeur de haut vol et " Dizzy Romeo ", le groupe de Gil, sétoffait dans le même temps du renfort de Philippe et de sa boîte à frissons.
La période laboratoire du duo de la chanson noire touchait ainsi à sa fin après environ 200 concerts.
CASSE PIPE s'agrandit...
Après seulement quatre concerts à trois, " Casse-Pipe " releva le défi lancé par le joyeux " Comité des Profêtes " : celui de former un vrai groupe pour le concert de clôture du festival de Moron. Au trio nouvellement constitué sétaient ainsi joints pour loccasion René Boisard à la basse, Paul Gasnier au violon et Tonio Marinescu (Kalashnikov, Dominic Sonic, les Nus, Dizzy Romeo ) à la batterie. Ce dernier avait croisé bien des fois le chemin de Louis-Pierre et de " la Mirlitantouille " du temps où " les Kalashnikov, son premier combo punk défrayait les chroniques : " on faisait des anti-festnoz parce quon était un groupe punk et on déboulait dans les loges de la Mirlitantouille pour leur piquer leurs bières et éventuellement en pousser une ou deux avec eux ". Lalchimie opérant, le big band de la chanson noire avait revisité pas moins de 18 morceaux pour sa première répétition...Sillustrant dabord en quatuor (avec Tonio) en remplacement dun groupe absent, " Casse-Pipe " referma brillamment lévénement un soir davril 92. Dans la foulée, la formation se stabilisa à quatre sous la houlette de Daniel Riot et enchaîna une cinquantaine de concerts qui permirent de consolider le noyau dur de la troupe. Riche dexpériences et dinfluences multiples allant du punk débridé à la musique trad en passant par la chanson réaliste et le jazz manouche, ces touches à tout ne laissaient jamais indifférent quiconque mettait ses sens en éveil à leurs exactions.
Partageant le goût du travail dans lurgence et de laudace, les " Casse-Pipe " réinventèrent avec le soutien du " Comité des Profêtes " le concept de la tournée mondiale. Le premier monde auquel ils choisirent de rendre visite fut la ville de Rennes, lenjeu étant de jouer dans un maximum dendroits le temps dune journée. Ainsi, le marathon de la chanson noire mit à contribution une dizaine de techniciens chargés de câbler les étapes de la troupe au fur et à mesure de leur progression. Parmi ces haltes, il y eut des bars évidemment, mais aussi des lieux plus insolites tels une laverie automatique, un marché de quartier où Casse-Pipe distillait un quart-dheure de morceaux au vitriol Au cours de son avancée, lévénement qui avait été discrètement annoncé draina un public sans cesse croissant et la fête sacheva vers 4H du matin.
En octobre, le groupe clôtura avec panache le festival " Art Rock " de St-Brieuc ce qui lui valu dentrevoir plus concrètement lenregistrement dun album avec le soutien de la Passerelle (scène nationale) et de la municipalité.
Désireux de conserver une dimension humaine et une indépendance certaine, la formation créa sur linitiative de Daniel Riot lassociation " Casse-Pipe Production " obtenant par la même occasion une licence dorganisateur de spectacle.Rassemblés autour dun univers un peu anar, un peu anti-tout, les " Casse-Pipe " ont toujours connu un fonctionnement libertaire où toutes les décisions du groupe sont prises à lunanimité. Sincérité, pudeur, " faut que tout l monde soit daccord ! ".
Le quatuor se stabilisant sous la coupe de Daniel, régisseur général et sonorisateur, il ne manquait plus à la formation quun troisième il pour souder lhistoire. Christophe Lecouflet déboula ainsi dans l'histoire avec notamment sous le bras une boîte à fumée...
Tome 1 : chansons noires
En juin 93, " Casse-Pipe " investit les lieux accompagnés de deux invités : Paul Gasnier au violon et Sam Manson au piano et au violoncelle pour les répétitions de leur premier opus. A lépoque, le groupe possédait un répertoire dune trentaine de chansons. Douze morceaux avaient été choisis pour être mis en boîte, dautres patientaient...
La troupe prit le mois suivant le chemin du studio Philpen de Châteaugiron (35) pour mettre en boîte " Chansons noires " sous la production artistique de Chris Mix. Financé à coups de subventions et de prêt bancaire, lalbum autoproduit fut tiré à mille exemplaires et sortit dans la région en fin dannée. Présenté comme une couverture de série noire, le disque regroupait le répertoire majeur des concerts de la formation. Entre chansons damour, morceaux toxiques et histoires sordides, " Casse-Pipe " exorcisait les mots par des textes dune terrible noirceur servis par des compositions revêtant le plus souvent des airs de fête. " La vie ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie ! " (André Gide).
Bien décidée à exporter la chanson noire en dehors de la Bretagne, les musiciens expédièrent leur disque encore tout chaud à cinq personnalités quils espéraient voir conquis par leur univers. Cette judicieuse initiative leur ouvrit des horizons inespérés. Les coups de pouce de Christian Caujolle (Directeur de lAgence VU et chroniqueur dans Globe hebdo ?)), Philippe De Brenne (alors assistant de Jean-Louis Foulquier sur France-Inter), Christian Lacroix (le couturier), Juliette Gréco et LN Hazéra (spécialiste de la chanson française notamment pour Libération) leur valurent entre autres dêtre diffusés sur les ondes nationales et de trouver un distributeur à léchelle de lhexagone.
Tournée mondiale
Partageant le goût du travail dans lurgence et de laudace, les " Casse-Pipe " réinventèrent avec le soutien du " Comité des Profêtes " le concept de la tournée mondiale. Le premier monde auquel ils choisirent de rendre visite fut la ville de Rennes, lenjeu étant de jouer dans un maximum dendroits le temps dune journée. Ainsi, le marathon de la chanson noire mit à contribution une dizaine de techniciens chargés de câbler les étapes de la troupe au fur et à mesure de leur progression. Parmi ces haltes, il y eut des bars évidemment, mais aussi des lieux plus insolites tels une laverie automatique, un marché de quartier où " Casse-Pipe " distillait un quart-dheure de morceaux au vitriol Au cours de son avancée, lévénement qui avait été discrètement annoncé draina un public sans cesse croissant et la fête sacheva vers 4H du matin...
En février 94, le groupe réitéra son exploit à Brest achevant la performance dans un resto du quartier des putes par " la javanaise " reprise en chur par 200 personnes, puis, partit à la conquête de lhexagone dès avril renforcé de Sam Giard au violoncelle.
Média 7 permit à " Chansons noires " de trouver place dans les bacs des chalands de la France entière en milieu dannée, Kerig restant le distributeur de lalbum dans louest. Rencontre avec Jean René Courtès également producteur.
Profitant despaces scéniques médiatiquement porteurs (lElysée Montmartre en première partie de Dominic Sonic (ex-chanteur des Kalashnikov), les Jeudis du Port à Brest, les Francofolies de La Rochelle en off (rencontre avec Pagès)), le groupe sattela à la création dun nouveau spectacle : " le petit théâtre de Casse-Pipe ".
Le petit théâtre de CASSE PIPE
Soutenue par lODDC, la troupe travailla notamment sur une scénographie originale qui, outre des décors particuliers, mit en scène deux danseuses. Malgré toute lénergie déployée durant les répétitions Guingampoises , les premières représentations du spectacle ne suscitèrent pas lintérêt escompté chez les programmateurs et les " Casse-Pipe " jouèrent alors un coup de poker. En guise de mise, le groupe investit ses deniers dans la location dun petit théâtre à litalienne parisien, le théâtre Clavel, dune capacité daccueil dune centaine de spectateurs
Les décors suivirent, les danseuses restèrent à quai.
Du 9 au 12 novembre 94, louverture rouge-flammes du petit théâtre de Casse-Pipe ne suffit pas à mobiliser le public. Tenaces, les musiciens allaient réserver un nouvel assaut aux spectateurs parisiens mais, pour lheure, la troupe partit se ressourcer dans le Sud (Montpellier " lAntirouille, Toulouse " le Bijou ") pour des concerts payés à la recette..
Début décembre, les Transmusicales de Rennes et la salle de lUbu leur réservèrent un accueil des plus chaleureux altérant ainsi une certaine amertume de lexpérience Clavel. Ce concert des Casse-Pipe fut mis sur bande au cas où A la même affiche figuraient Celta Cortos et des amis :" Jack OLanternes ".
Sam Giard, le violoncelliste, séloigna alors quelque peu de la troupe pour se consacrer à lenseignement. (réapparitions ponctuelles :enregistrement de tout fout lcamp Mini-CD " Viva la muerte ", album " Casse-Pipe "...).
Ce départ ajouta son grain de chaos aux états dâme des Casse-Pipe. Le groupe navigue alors quelque peu en eau trouble et le doute de parvenir à convaincre un public plus large que les fidèles bretons se bouscule dans lesprit des musiciens. De plus, la seconde quinzaine de janvier 95 est déjà placée sous le signe du " petit théâtre " à Clavel. Pour ré-affronter le public parisien, " Casse-Pipe " fit appel à une nouvelle recrue, Christophe Menguy. Ce dernier sétait illustré dans de nombreux groupes éphémères folk et rock à la guitare et au chant ; il avait créé avec Sam Giard lassociation " les transducteurs " et composait alors des pièces musicales illustrant notamment des expositions plastiques,
Christophe étant pressenti pour jouer de la basse acoustique, le musicien travailla darrache-pied durant le mois précédant les dates parisiennes. A cet époque, CASSE PIPE, " cétait un quatuor en détresse avec un bassiste " (Christophe ).
Le public bouda une nouvelle fois lévénement reléguant les espoirs de Casse-Pipe à dautres échéances. Les finances du groupe étaient au plus bas
Suite au prochain épisode...